Portrait d'enseignante : Élise
Il paraît que les filles sont rares sur les tatamis… Il paraît oui. Parce qu'au Shoshin Dojo, même si la parité n'est pas un enjeu, nous comptons pas mal de pratiquantes sur les tatamis. Nous en avons même deux qui animent les cours puisqu'elles sont enseignantes. Nous vous avions déjà présenté Marie lorsqu'elle avait rejoint le Comité technique du club, aujourd'hui c'est Élise qui est à l'honneur. D'habitude c'est elle qui pose les questions parce qu'elle n'aime pas y répondre. Mais bon, tout juste diplômée du 2ème dan UFA d'aikido, on ne pouvait pas interviewer quelqu'un d'autre. Et puis, la connaissant, elle aurait été capable de nous le reprocher en plus ! Allez, présentation d'une aikidokate au caractère bien trempé.
Salut Élise ! Pour commencer, peux-tu te présenter et nous raconter tes débuts dans l’univers des arts martiaux ?
Salut ! Et bien, je suis Élise. J’ai 38 ans et j’évolue sur les tatamis depuis l'âge de 5 ou 6 ans ! J’ai commencé par quelques années de judo. À l’époque, dans mon village d'Émagny, c’était foot, gym, ou judo ! C’est tout naturellement que je me suis dirigée vers le dojo. J’ai tout de suite bien accroché ! Il y avait un très gros club et les enseignants, des passionnés, s’attachaient à donner des cours « jeunes » de qualité ! J’ai ensuite rapidement basculé vers les cours de jujitsu. J'ai pratiqué cette discipline plus de 20 ans et j’ai obtenu mon premier Dan en 2002, l’année de mon Bac ! (rires)
Et l’aikido dans tout ça ? Tu y es venue quand et pourquoi ?
L'aikido arrive un peu plus tard. J’ai débuté en 2011. Je voulais découvrir et pratiquer les armes. Au jujistsu, nous abordions de temps en temps ce travail mais je souhaitais approfondir cette pratique. Je me suis donc inscrite à la section kenjutsu du Shoshin Dojo. Et puis, comme le cours d'aikido était juste après, j'y suis restée pour quelques cours d’essai et de fil en aiguille… et bien je ne suis jamais repartie ! Ensuite, j’ai progressivement arrêté le jujitsu et me voilà aikidokate !
Et qu’est-ce qui t’a finalement amené à délaisser le jujitsu au profit de l'aikido ?
La fluidité de l'aikido me plaît beaucoup. Je crois que j’en avais aussi un peu marre du coté « frontal » du jujitsu… Alors l’aspect non violent et très fluide de l'aikido m’a séduite.
Est-ce à dire que l’aikido te paraissait moins martial alors ?
Non pas forcément… Mais, par exemple, le travail plus fin des déplacements et des placements m'a rapidement intéressée. Cette recherche est peut-être un peu plus « palpable » que dans les autres arts martiaux comme le jujitsu par exemple. Après, tout dépend de ce qu’on souhaite faire de « son » aikido.
Pour ma part, je ne vois pas l'aikido comme une discipline violente mais il ne faut pas non plus oublier son origine martiale !
Et du coup, quels sont les parallèles ou les points de divergence que tu vois entre ces deux disciplines ? Y-a-t’il des acquis ou des éléments du jujistu que tu utilises dans « ton » aikido ?
Quand j’ai débuté l'aikido, c’était assez ambivalent au niveau de mes aptitudes et de mes acquis. Certes, j'avais des facilités mais j'avais aussi des choses à corriger, à réajuster. Je pense aux chutes qui ne me faisaient pas peur et aussi au travail de postures et de gardes qui ne sont pas tout à fait les mêmes ! J’avais également des facilités sur le travail des immobilisations, des projections… Ça m'a beaucoup aidé en fait. Il y a des points communs de toute manière. L'aikido et le jujitsu ont des origines communes. Je crois que, de mes années de jujitsu, j’ai surtout conservé mon caractère énergique… À moins que ça ne soit mon caractère tout court !
Oui. Quand on prend l’ukemi pour toi, on sent qu’il y a un fond de jujistu. Tu peux introduire certaines variations sur les clés ou les immobilisations… Tu as un peu plus de « vocabulaire » technique, ce qui te permet de sortir à l’occasion de la grammaire pure de l’aikido. Cela étant, tu tires un parallèle entre ta pratique et ton caractère. Tu penses donc que le caractère influence ta pratique. Mais l’inverse te semble-t-il vrai également ?
Alors oui. Je trouve que lorsque l’on est sur les tatamis, on retrouve assez bien les traits de caractère des pratiquants. C’est assez révélateur de leur façon d’être au quotidien. On pratique comme on est ! Une personne timide dans la vie est, en général, assez discrète dans un dojo. À contrario, je pense que pratiquer l'aikido peut nous permettre d’être différent, ou meilleur au quotidien, mais dans une moindre mesure. Par exemple, cela peut nous apporter de l'assurance, une meilleure gestion du stress ou du conflit. Toutefois, cela ne se fait pas du jour au lendemain et tous les pratiquants ne recherchent pas forcément ce côté développement personnel. Cela reste propre à chacun.
Et toi justement : qu’est-ce que tu recherchais en venant à l’aikido ? Et qu’y as tu trouvé au final ?
Je n’avais pas d’attentes particulières. Je souhaitais continuer les arts martiaux, découvrir la pratique des armes. J’aime le côté rassurant de la pratique dans un dojo. Je m’y trouve bien. Je souhaitais aussi continuer une activité physique dynamique et respectueuse. De plus, je suis tombée dans un club convivial où règnent sérieux, bienveillance et bonne humeur… Des valeurs qui me sont chères.
Pour la discipline en elle-même, j’apprécie la diversité des formes de travail, des techniques et des façons de les aborder. Il y a toujours des nouveautés en aikido, même si la discipline peut paraître traditionnelle. On ne s’ennuie pas sur les tatamis !
Tu es fraîchement 2ème dan. Peux-tu nous parler de ta préparation à cet examen et du regard que tu poses sur ton parcours avec cette étape franchie ?
Les passages de grades permettent de faire le point sur sa pratique et de s’inscrire dans un cadre fédéral. Pour ma part, j’ai passé mon 1er Dan UFA en 2018 et le 2ème en février de cette année. La préparation pour ce dernier a été assez courte puisque nous sortions de l’époque Covid et qu’il a fallu se remobiliser très rapidement. Cela s’est fait toutefois assez naturellement. Un gros travail avait été fait pour le 1er Dan. L’ensemble des enseignants du Shoshin Dojo m’a guidée pour cette préparation et nous avons mis l’accent sur le travail de l’engagement et du rythme. Je me souviens d’une première séance de révisions lors des vacances de la Toussaint un peu compliquée mais les suivantes ont été plus rassurantes !
Nous utilisons les supports vidéos pour nos préparations, cela permet de voir l’évolution de notre travail. C’est très parlant ! On voit tous nos défauts, c’est horrible !
En ce qui concerne mon parcours, je dirais qu’il est celui d’une pratiquante « normale » qui vient régulièrement au dojo. Je participe à deux cours hebdomadaires et à plusieurs stages par an.
Et que t’apportent les stages que tu ne trouves pas forcément dans les cours réguliers du Dojo ? Quels techniciens privilégies-tu ?
Pour moi, les stages sont déjà l’occasion de rencontrer d’autres pratiquants. Dans les cours réguliers au Shoshin, il y a beaucoup de débutants, alors pratiquer en stage me permet d'échanger avec des partenaires plus confirmés. Cela permet d’étoffer un peu son aikido. Les stages sont aussi un moyen d’enrichir son bagage technique grâce aux enseignements des intervenants. Je participe régulièrement aux stages organisés par notre Ligue FFAAA car je trouve que c’est un chouette moyen mis à disposition des adhérents pour se perfectionner. En Bourgogne Franche-Comté, ces stages sont animés par Michel Erb Shihan, que j’ai plaisir à suivre également régulièrement en stages privés. À mon stade de pratique, je préfère ne pas trop me disperser et ne suivre l’enseignement que d’un seul technicien.
Comment ça se passe justement au Shoshin Dojo où l’enseignement est partagé entre différents professeurs, dont tu fais partie d’ailleurs ?
Ah zut ! Je l’avais pas vue venir celle-là ! Je préfère quand c’est moi qui pose les questions ! (rires) Au Shoshin Dojo, la ligne directrice est la même et les enseignements restent cohérents bien qu’il y ait plusieurs professeurs. Cela ne m’a jamais posé de réelles difficultés au quotidien. J’ai effectivement souvent besoin de m’approprier les formes et me dire « c’est celle-là que je veux garder » mais, globalement, je crois qu’on a tous à peu près la même vision des techniques.
Il y a certes quelques sensibilités et variations entre les enseignants du Shoshin Dojo mais c’est ce qui fait une des particularités de notre club !
Parlons justement de ton rôle d’enseignante. Tu interviens principalement sur les cours « jeunes », plus ponctuellement sur les cours « adultes ». Qu’est-ce que tu aimes dans l’enseignement ? Comment envisages-tu l’acte pédagogique en aikido ?
Oui tout à fait ! J’aime beaucoup animer les cours « jeunes » ! Tout d’abord c’est un public que je connais bien, puisque je travaille avec les enfants. Je suis infirmière puéricultrice au CHU de Besançon. La différence, c’est que sur les tatamis, les enfants sont en pleine santé ! (rires)
Encadrer des jeunes sur les tatamis, c’est à mon sens utiliser l'aikido comme un outil pour les aider à se développer, à s’organiser, à se construire, à développer des compétences et des aptitudes motrices mais aussi morales.
C’est aussi utiliser le jeu et partager les valeurs des arts martiaux comme le respect, l’écoute, la tolérance… C’est vraiment intéressant de voir évoluer les enfants tout au long de l’année et même sur plusieurs années ! Quant aux cours adultes, effectivement je m’y colle moins souvent, mais je vois davantage cet enseignement comme une transmission. Transmettre et partager ce que j’ai appris, dans la mesure de ma modeste expérience.
Oui. Je crois que l’humilité est importante et qu’il faut savoir se remettre en question, surtout lorsque l’on enseigne. Peux-tu nous dire quelques mots sur les formations « enseignants jeunes » qui sont proposées par la Ligue FFAAA de Bourgogne Franche-Comté ?
Depuis quelques années, notre Ligue organise une formation annuelle destinée aux enseignants et assistants « jeunes » de la région. Ces séances permettent une réflexion autour de la spécificité de ce public. Le but de l’aikido jeune n’est pas, rappelons-le, uniquement de former des aikidokas mais de contribuer à leur développement en tant qu’individu.
Notre Ligue a choisi d'inviter Fabrice De Ré. Il travaille depuis longtemps sur ces questions et il est aujourd'hui une référence en pédagogie enfants dans le panorama de l'aikido français. C'est donc lui qui anime ces riches et joyeuses journées en Franche-Comté ! Durant ces formations, nous rappelons quelques notions de développement psychomoteur, de communication. Nous abordons les différents moyens pédagogiques à notre disposition, nous élaborons divers plans de cours, nous nous approprions les sensations, nous testons les supports ludiques… Bref, on s’amuse tout en travaillant !
Ces formations sont suivies d’un stage « enfants » où Fabrice met en application tous les concepts étudiés le matin. Les enfants ressortent ravis et, nous, enseignants-stagiaires, repartons motivés avec plein d’idées à mettre en œuvre au quotidien au Shoshin Dojo !
Changeons de sujet. Quel est ton regard sur la place des femmes dans les arts martiaux ? Dans le paysage de l’aikido en particulier et aussi au sein du Shoshin Dojo ?
Sans transition, aucune ! (rires)
Je m'improvise intervieweur…
Je pense que les femmes ont totalement leur place sur les tatamis. Dans un dojo, chacun s’exprime dans la mesure de ses capacités et de ses envies, en respectant le cadre. Il y a beaucoup de respect, de bienveillance et je n’ai jamais été confrontée à la moquerie ou à la discrimination par exemple.
Je ne suis pas vraiment féministe, mais je pense que si les femmes ont envie de pratiquer les arts martiaux, il faut qu’elles le fassent. Ça leur est totalement accessible, l'aikido tout particulièrement.
Elles sont de plus en plus nombreuses à se licencier, probablement attirées par le côté non violent et harmonieux de la discipline. Au Shoshin Dojo, il y a beaucoup de filles sur les tatamis que ce soit lors des séances jeunes ou adultes ! Et c’est assez plaisant. Même si, au final, lorsque je pratique avec un partenaire, je ne fais pas forcément attention à cet aspect !
Oui. Cette année, nous avons des cours où les garçons étaient clairement en minorité — hein JP ! —. Cette situation n’est pas très courante sur les tatamis. Mais pour toi, filles ou garçons, ça ne compte pas vraiment au final. Pour revenir à ta pratique, est-ce qu’il y a des éléments, des formes de travail en aikido que tu aimes particulièrement ? Le bukki waza ? Le ushiro waza ?...
Étrangement, les formes de travail qui me plaisent le plus sont celles que j’ai dû le plus travailler ces derniers temps… Je pense par exemple au travail en hanmi handachi waza. Je trouve intéressant la façon de renverser la situation de départ et de prendre l’avantage sur uke alors que la problématique initiale est clairement défavorable à tori.
J’apprécie aussi la construction des techniques en ushiro waza. Bien que ce travail demande une certaine gymnastique mentale pour la construction de l’entrée. Mais une fois les déplacements intégrés, il y a de la fluidité dans le mouvement et ça crée une véritable dynamique.
En ce qui concerne le travail aux armes, finalement, je préfère les formes défense à mains nues contre une arme comme le jō dori ou le tachi dori. Cette étude permet de mettre œuvre de façon concise et efficace nos techniques, tout en adaptant les distances en permanence.
Une nouvelle saison s’ouvre. Quelles sont tes perspectives personnelles sur les tatamis et tes souhaits pour le Shoshin Dojo ?
Et oui, l’heure de la rentrée approche et il va falloir ressortir les kimonos ! Le mien n’est jamais bien loin ! Je reviens tout juste de Suisse où Michel Erb shihan animait un stage. Pour cette nouvelle saison, je souhaiterais, et c’est l'essentiel je crois, continuer à prendre du plaisir à pratiquer. Je n’ai pas d’objectif personnel particulier cette année si ce n’est celui d’être présente et souriante sur les tatamis ! En ce qui concerne notre association, je nous souhaite une rentrée riche de nouveaux adhérents. Pas trop quand même car c’est long à rentrer dans le logiciel de gestion — parole de secrétaire ! — et une année sportive sereine.
L’essentiel en somme ! Tu souhaites ajouter un dernier mot ?
Rien à déclarer ! (rires) On se retrouve sur les tatamis !
Les portraits d'enseignants du Shoshin Dojo
• Marie — responsable de la section de Saint-Aubin
• Jean-Philippe — responsable de la section kenjutsu
• Romuald — enseignant section « adultes »
• Alban — enseignant section « jeunes » et « adultes »