Portrait d'enseignant : Jean-Philippe
Nous poursuivons notre série d’interviews d’enseignants du Shoshin Dojo. Après Marie et Romuald, c’est au tour de Jean-Philippe de répondre à mes questions ! Véritable passionné, il est à la tête de la section kenjutsu et enseigne avec enthousiasme et rigueur l'art du sabre à ses élèves. Portrait d'un homme qui vit son art.
Peux-tu me raconter tes débuts sur les tatamis ?
Oui, avec plaisir… C’était en 2008. Je cherchais à l’époque une association pratiquant un art du sabre japonais. J’avais déjà cherché longtemps, mais rien ne me convenait. Puis un jour par hasard, en passant devant la maison de quartier de Saint Ferjeux, j’ai vu une affiche indiquant la mise en place d’un cours de kenjutsu, au sein d’une association appelée — à l’époque — Gonojukan. Et hop, la semaine suivante je me trouvais sur les tatamis pour mon premier cours d’escrime japonaise. Aucune angoisse, aucune appréhension. Enfin j’allais pouvoir réaliser mon rêve. Et je ne fus pas déçu. Un super cours, de belles sensations, bref que du bonheur, et depuis 12 ans le plaisir est toujours là.
Qu'est-ce qui t'a amené à la pratique du kenjutsu ? Que recherchais-tu ?
J’ai toujours été attiré par les armes blanches et plus particulièrement les sabres. À partir de mes 10 ans — environ — j’ai commencé à acheter couteaux, épées, sabres etc. Puis passionné d’histoire, je me suis intéressé à la culture japonaise, son histoire, ses batailles (comme Sekigahara en octobre 1600) ; j’ai commencé dans le même temps à regarder des films et à parcourir des livres tournant autour des samouraïs : comme les « Sept Samouraïs » de Akira Kurosawa, ou alors « La pierre et le sabre » de Eiji Yoshikawa. Tout de suite, j’ai eu envie de pratiquer l’escrime japonaise, de dégainer un katana comme Miyamoto Musashi. Je recherchais du plaisir, l’envie de progresser, la joie de manipuler des armes (bokken, iaito…), apprendre d’anciennes techniques et en quelque sorte, refaire vivre le passé. J’avais également l’envie de découvrir, de chercher mes limites, de remettre en question mes connaissances, d'avoir l’esprit ouvert, d'apprendre toujours à connaître plus.
As-tu pratiqué d’autres arts-martiaux ?
Non. Enfin pas réellement un art martial, mais quelque chose en rapport avec les armes. Durant ma période estudiantine, j’ai pratiqué de l’escrime européenne au sein d’un club. J’ai fait de l’épée, du fleuret ainsi que du sabre. Mon arme de prédilection étant plutôt l’épée. J’avais déjà en tête arme blanche et combat…
Une belle expérience, une belle formation, qui m’ont conduit au kenjutsu, plus traditionnel, plus vrai !
Comment es-tu arrivé au Shoshin Dojo ? Depuis quand ?
Comme je le disais juste avant, c’est en 2008 que j’ai commencé au sein du Gonojukan, ancien nom du Shoshin Dojo. 12 ans de plaisir, de rencontres diverses et marquantes.
Depuis quand enseignes-tu au sein du club ? Comment s'est passée la transition élève-enseignant ?
J’ai commencé par être assistant en 2014 après l’obtention de ma ceinture marron et de mon diplôme d’Assistant Fédéral Européen de la FEKAMT. Mon sensei voulait se retirer progressivement de l’activité kenjutsu pour créer une autre activité au sein du club. Il m’a donc demandé si cela m’intéressait d’abord de l’aider sur quelques cours, ce que j’ai accepté avec plaisir, puis rapidement j’ai mis en place un cours seul.
Le cheminement ne m’a pas posé de problème, ni techniquement, ni en matière d’enseignement (étant enseignant dans le civil). Je me suis ensuite trouvé seul aux commandes du cours de kenjutsu en 2015.
Une des particularités de notre club est d'avoir plusieurs enseignants ; tu es le seul pour la section kenjutsu, est-ce compliqué ?
Oui et non ! Cela peut être parfois lourd à gérer, car il faut être présent toutes les semaines pour les élèves. Cette année, marquée par une blessure à la cheville, a été difficile à gérer — sans parler évidement de la Covid-19 — car il fallait malgré tout maintenir les cours. Par contre un de mes élèves, Thomas — ceinture noire —, me seconde et anime quelques cours dans l’année. Cela me permet un peu de souplesse pour gérer mes activités professionnelles.
En trois mots, comment décrirais-tu le Shoshin Dojo ?
Amitié, sérieux et plaisir. De l’amitié, car nous avons tous de bonnes relations au sein de l’association. Du sérieux pour l’envie du club de construire des projets, la qualité des cours et l'engagement des enseignants. Et enfin du plaisir, de venir chaque semaine, de se retrouver, d'avoir la chance de pratiquer une activité qui me passionne toujours autant.
Quelles sont tes références dans le monde du kenjustu ? Suis-tu des personnes en particulier ? Qu'est-ce qui t'inspire dans leur pratique ?
Bien évidemment Inaba Minoru sensei est la base de mes références dans le monde du sabre. En effet c’est son style, Kashima no tachi — dérivé du Kashima Shin Ryu — que nous étudions au sein du Shoshin Dojo. Il est également impossible de passer loin de Christian Tissier Shihan, qui a « démocratisé » cette école de sabre en France. Dans le monde du Kashima, il faut également s’intéresser à Bruno Gonzalez Shihan ou encore Aoki Hisashi Sensei.
Ma pratique tourne autour de deux maîtres : Michel Erb Shihan mettant en œuvre une escrime fluide et puissante — je suis particulièrement ses stages d’armes — et Pierre Matthieu Sensei, qui vient régulièrement donner des cours à la section kenjutsu du Shoshin Dojo. L'occasion de nous montrer sa parfaite maîtrise du Kashima, de transmettre énormément à nos élèves et tout ceci, dans une ambiance très agréable ! Enfin, je peux également trouver des sources d’inspiration dans d’autres écoles, comme le Kishinkai de Léo Tamaki ou en suivant la pratique de Dominique Pierre…
Mais mon inspiration vient principalement de Michel Erb et de Pierre Matthieu. J’y retrouve mes techniques, mes katas, mon état d’esprit. Et bien évidemment grâce à eux, je peux améliorer constamment mes techniques, mes positions, mes gestes, comprendre mieux le sens des techniques. J’en tire une constante amélioration et remise en question de mes acquis.
Le kenjutsu reste une discipline assez confidentielle, pourquoi à ton avis ?
Cela reste une activité confidentielle, car — je pense — il n’existe ni fédération dédiée spécifiquement au ken, ni de compétition. Le sabre est trop lié à d’autres disciplines (aïkido, judo…) et n’est pas considéré comme un art à par entière, contrairement à l’escrime européenne par exemple. De plus, la pratique du sabre est toujours assimilée au sang, à la violence, à la guerre… L’image n’est pas dynamique ni bonne pour la plupart des personnes.
Le travail à mains nues te manque-t-il ?
Non la plupart du temps, mais parfois lors de situations de combats très rapprochées, effectivement je me pose des questions sur la meilleure position du corps, des bras, des mains… Il me reste la vidéo, mais surtout des explications de senseis durant des stages, d’où l’intérêt d’ouvrir son horizon le plus possible.
Tu n’as jamais eu envie de faire l’aïkido ?
Non. J’aime regarder une séance d’aïkido, voir des vidéos, même assister à un stage d’aïkido. D’ailleurs cela m’est déjà arrivé de participer à des stages d’armes où étaient mêlés la pratique à main nue et le travail du sabre : je pense par exemple à un stage de 2018 à Nancy, sous la direction de Malcolm Tiki Shewan, 6ème dan enseignant à FFAB (Fédération française d’aïkido et de Budo).
À quoi penses-tu une fois sur les tatamis, arme dans les mains ?
D’abord, je pense toujours à être le plus crédible possible. En donnant un bon exemple aux autres pratiquants et surtout en essayant de montrer des choses intéressantes tout en pensant à replacer les techniques dans leur contexte japonais et médiéval.
Puis je prends du plaisir, je canalise mon énergie, mon agressivité, bref j’évacue le plus possible sur les tatamis.Enfin, je pense à admirer ces magnifiques armes que sont les katanas et les bokkens, ayant la chance de les voir en action et non posés sur une étagère.
Que détestes-tu sur les tatamis ?
Un protocole trop strict pourrait facilement et rapidement me gêner et m'enlever l’envie de pratiquer. Mais heureusement au Shoshin Dojo, le protocole est « normal », accessible pour tous et non invasif. L’adage est de se faire plaisir sur les tatamis.
Que t'apporte le kenjutsu en dehors des tatamis ?
Comme je le dis souvent en famille, je pense que mes réflexes se sont améliorés… Il faudrait le demander aux assiettes, verres et autres sauvés dans la cuisine. Plus sérieusement le kenjutsu permet de me canaliser et surtout d’évacuer le stress de la semaine.
Tu es passionné par la culture nippone ; es-tu un collectionneur d’armes japonaises ? d’autres objets ?
À la maison j’ai quelques objets asiatiques, japonais mais également chinois. Cela va d’éventails traditionnels aux sabres, en passant par de la calligraphie. La plupart de ces objets venant directement de Chine et du Japon, rapportés par des membres de ma famille et des amis. Je possède par exemple, en plus de mes deux iaïto, un shirasaya. C'est-à-dire un katana sans garde avec un habillage bois (type Zatoichi). J'ai aussi un tachi. C'est un sabre de cérémonie japonais, légèrement plus long et courbé qu’un katana classique. Enfin je possède un bon nombre de livres et BD, historiques, fantastiques ou encore techniques sur la fabrication des sabres.
Quelles sont tes envies pour la suite ?
Je pense de plus en plus à mettre en place au sein du club, une pratique de battodo, qui est l’art de la coupe, regroupant des techniques basées sur la répétition de kata et des enchaînements de coupes sur bottes de paille. Le but étant de pouvoir évaluer la qualité des techniques utilisées.
Ma deuxième envie, serait l’achat d’armures traditionnelles japonaises, afin d’avoir une pratique réaliste, apporter une plus grande visibilité pour le club et la discipline et enfin participer à des spectacles, reconstitutions démonstrations. Bref : être le plus proche possible d’un samouraï !
De jolis projets. Merci !
Et bien de rien !
Si comme Jean-Philippe, vous souhaitez devenir le roi du katana, n’hésitez pas à franchir les portes du Shoshin Dojo pour un cours d’essai de kenjutsu ! Il vous accueillera avec grand plaisir et sans lame affûtée !