Actualités

« Ultime combat »

par Romuald publié le 17.01.22

« L’esprit est la force. (…) L’ultime combat est intérieur et accessible à chacun. » C’est par ces mots que débute l’exposition Ultime Combat, présentée au musée du Quai Branly à Paris. Cette exposition foisonnante, traitant des arts martiaux en Asie à travers les siècles, est remarquablement variée, au niveau des cultures abordées, mais aussi par le type d’œuvres présentées : sculptures, armes, gouaches, descriptions historiques cartographiées ou imagées, peintures sur soie, projections de films, affiches, armures, mangas, tenues, ou encore jeux vidéos pour finir (ma génération se souviendra de Street Fighter II par exemple). Je vais tenter ici de vous en faire un (court) résumé en mettant quelques focus sur les parties qui m’ont le plus parlé ou touché.

exposition_ultime_combat_musee_quai_branly_paris


Si les parties traitant des arts chinois et japonais occupent la plus grande place, on débute le voyage par une plongée dans les arts martiaux venant d’Inde du Sud, avec les gardiens du temple de Bouddha en sculpture sur bois, ou encore des gouaches étonnantes de précision racontant l’épopée du prince Rama, certaines œuvres datant du XVIIe siècle tout de même.

exposition_ultime_combat_musee_quai_branly_paris_gardien_temple_bouddhique

Dvarapala - gardien de porte de temple bouddhique (550-577)

 

Shaolin et Bruce Lee : les arts martiaux chinois

Très vite on arrive à la partie chinoise de l’exposition, avec le kung-fu bien entendu, et surtout une partie très documentée sur l’histoire du temple Shaolin depuis sa création (aux environ de 495), et ses relations parfois compliquées avec les différents pouvoirs en place. Depuis le XIIe siècle, le temple de Shaolin possède ses propres techniques martiales : bâton monastique, gestes canoniques du Bouddha, dont la fameuse « main de fer de Shaolin », alors que le souffle, exercé par la méditation, développe la force physique et mentale.

exposition_ultime_combat_musee_quai_branly_paris_peinture_sur_soie

Peinture sur soie chinoise (1723-1735)

Dès ses débuts, la solide réputation de combattants de ses moines et la proximité de la capitale impliquent bientôt le temple Shaolin dans les affaires militaires, parfois dans l’armée régulière (période Tang de 618 à 907), mais parfois aussi en tant que force rebelle, notamment sous les Qing de 1644 à 1912, une dynastie d’origine mandchoue que le temple de Shaolin considérait comme un oppresseur étranger. Sous cette dynastie Qing, les empereurs (dont Yonghzeng qui aurait commandé la destruction du temple Shaolin en 1732) ont fait réaliser de grandes peintures sur soie pour commémorer leurs déplacements et rituels officiels. Par exemple, celle ci-dessus, datée d’entre 1723 et 1735, et qui est exceptionnelle par son graphisme, sa conservation, et sa longueur (aux environs de 5m)…

Et bien sûr, on ne quitte pas la partie des arts martiaux chinois sans une large place dédiée à Bruce Lee et son héritage, avec des éléments biographiques, des affiches, et une immersion dans ses films, avec des écrans placés dans la pièce de façon à nous faire avancer au milieu des scènes de combat !

bruce_lee_ip_man

Bruce Lee et Ip Man, son maître

 

Les arts martiaux japonais

Enfin ! Les arts martiaux japonais ! J’étais un peu venu là pour voir ça quand même. L’introduction est basée sur une description du bushidō et sur la naissance de la figure classique du samouraï — principalement durant l’époque Edo (1603-1868) — décrit comme « homme d’épée et d’esprit, loyal jusqu’à la mort à la voie du guerrier (bushidō). » À la fin des guerres féodales japonaises et avec l’arrivée des armes à feu, les anciennes techniques de combat (bujutsu) s’éloignent des champs de bataille. La paix conduit alors l’élite militaire à valoriser son héritage martial et à justifier son rang à travers l’enseignement des bujutsu, en renforçant leurs dimensions théoriques et philosophiques. Ensuite, il semble qu’à partir de 1882 et la fondation du judo par Jigoro Kano, la voie soit ainsi ouverte aux arts martiaux modernes (budō), qui sont ensuite promus comme une méthode d’éducation de la jeunesse autour de valeurs historiques et patriotiques. On sait que l’aïkido ne viendra que bien plus tard (homologuée en 1948). Bien avant d’en arriver aux arts martiaux modernes que nous connaissons, on peut admirer de nombreuses armures, casques et armes principalement de l’ère d'Edo.

exposition_ultime_combat_musee_quai_branly_paris_armures_japonaises

Après l’instauration du régime militaire au XIIe siècle, la grande armure (ō-yorai) et le sabre à lame courbe se perfectionnent, devenant des attributs de pouvoir. Toutefois le sabre ne devient l’emblème du samouraï que tardivement, à l’époque d’Edo qui met un terme aux guerres féodales dont les armes principales étaient encore l’arc et la lance. Le tachi (sabre long) était utilisé par les cavaliers et le katana, plus court, pour le combat au sol. Une petite mortaise en bois maintient la lame dans la poignée, souvent recouverte de galuchat (peau de poisson) et d’un tressage de soie. Des petits couteaux étaient parfois insérés sur le fourreau.

Et puisqu’on parle de samouraïs, ici aussi le cinéma est à l’honneur avec des projections de films aussi emblématiques et variés que « Ran » de Akira Kurosawa (1985), ou encore la série des  « Zatoichi », films sur le célèbre samouraï aveugle. Pas moins de 27 opus sortis entre 1960 et 2000 sur ce personnage incroyable. Personnellement, je vous conseille celui de Takeshi Kitano sorti en 2003, facilement accessible et très réussi.

exposition_ultime_combat_musee_quai_branly_paris_durama

Daruma, d’après Miyamoto Musashi (1584-1645), encre sur papier

J’en arrive à une œuvre étonnante, voire émouvante : il s’agit donc d’un dessin réalisé par le légendaire Miyamoto Musashi. Musashi était un rōnin et également un calligraphe très reconnu, ayant vécu au début du XVIIe siècle. Il aurait combattu en duel pour la première fois à 13 ans et aurait par la suite gagné une soixantaine de duels. Il a développé une technique de combat avec 2 sabres : 1 court et 1 long. Certaines écoles transmettent encore son savoir aujourd’hui. Il serait également l’auteur du fameux « Traité des cinq roues » et fait l’objet de nombreux ouvrages dans la culture japonaise, ce personnage étant considéré comme appartenant au trésor national japonais.

exposition_ultime_combat_musee_quai_branly_paris_hakama

Quant au Daruma, il s’agit d’un moine bouddhiste venant probablement d’Inde ou d’Asie Centrale, ayant été à l’origine de l’école Chan en Chine, devenue l’école du Zen au Japon. Cette dernière a fortement inspiré la pensée de Musashi. Outre le côté historique de la calligraphie, il y a donc tout un versant « légendaire » qui donne une vraie émotion à la découverte de cette œuvre, surtout par surprise comme ce fut le cas pour moi, entre Bruce Lee et Christian Tissier !

Car oui, bien sûr, l’expo se termine (avant les mangas et les jeux vidéos) par des descriptions rapides des trois arts martiaux majeurs japonais : judo, karaté et aïkido, avec quelques tenues, armes, et citations. Et ainsi se finit cette belle expo, sur le dernier personnage d’environ 6m de haut, dont j’ignore le nom puisque je me suis arrêté à Goldorak. Si vous le reconnaissez, prévenez-moi !

exposition_ultime_combat_musee_quai_branly_paris_black_fire


Quoiqu'il en soit, je peux confirmer la phrase d’introduction de l’expo : l’ultime combat est bien à l’intérieur et il est accessible à chacun (moyennant le prix d’entrée) ! 😉