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Daisy, lycéennes à Fukushima

par Aude publié le 25.11.22

Lorsque Alban m'a fait la proposition d'écrire un article pour présenter un manga ou un anime que j'aimais, l'idée m'a tout de suite séduite. En tant que grande lectrice, j'ai toujours apprécié échanger à ce sujet — que ce soit sur les mangas ou tout autre type de livres d'ailleurs­ —. J'ai alors longuement réfléchi au manga dont je voulais parler. J'ai très vite éliminé les grands classiques qui me venaient à l'esprit, comme « L'Attaque des Titans », « Jujutsu kaisen » ou encore « Naruto » : j'avais envie d'écrire à propos de quelque chose qui me tienne à cœur et qui ne serait pas déjà connu, au moins de nom, par tout le monde. Étonnamment, mes pensées se sont tournées vers un manga que j'avais lu il y a très longtemps lorsque j'étais en cinquième. Je me souvenais avoir été marquée par sa lecture et par le message de l'auteur. Mon premier réflexe a donc été de le réemprunter à la bibliothèque afin de le relire et de vérifier que ce qui constituait mes souvenirs n'avait pas été trop influencé par l'esprit encore "juvénile" que je devais avoir il y a six ans. Je l'ai donc relu et les même illustrations, les mêmes mots ont su me toucher une deuxième fois, venant me confirmer que l'impression, les souvenirs que m'avait laissés ce manga n'étaient pas erronés. Ainsi, j'ai décidé de vous présenter « Daisy, lycéennes à Fukushima », série en deux volumes de Reiko Momochi.

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Si l'on s'arrête uniquement à son titre — et notamment à la première partie : « daisy, lycéennes » — on pourrait penser qu'il s'agit là d'un simple shōjo dont l'histoire tournerait encore autour d'une énième romance niaise et clichée. Cependant, la deuxième partie du titre « à Fukushima » laisse présager un cadre et une ambiance un peu différente. En effet, bien que le style du dessin et certaines réflexions s'apparentent au genre du shōjo, le fond de l'histoire, lui, diffère totalement : il s'agit d'une description poignante du quotidien tumultueux auquel est confrontée la jeune lycéenne Fumi Kubo depuis l'accident à Fukushima.

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Le 11 mars 2011, lorsqu'un séisme d'une violence inouïe (magnitude 9) fait trembler la terre au Japon, les habitants sont loin de se douter du double drame qui s'ensuivrait : un tsunami gigantesque qui s'abat sur plus de 500 kilomètres de côte au nord-est, puis la destruction de trois des six réacteurs de la centrale nucléaire Fukushima Daiichi. La catastrophe nucléaire de Fukushima est classée comme étant la deuxième au niveau 7 — qui est le plus élevé sur l'échelle internationale des événements nucléaires —, au même titre que Tchernobyl. Ce drame au Japon, qui s'est déroulé si loin de chez nous, ne semble pas nous affecter plus que ça et pourrait presque nous sembler inimaginable. Pourtant, il est bien réel et Reiko Momochi, s'inspirant de vrais témoignages, nous en livre une vision poignante.

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Fumi, lycéenne à Fukushima, n'est pas sortie de chez elle depuis la catastrophe. Un mois et demi après l'explosion, la radioactivité est encore élevée en ville. Dès le début du manga, alors qu'on suit Fumi qui retourne au lycée pour la première fois depuis le drame, et jusqu'à la fin du deuxième tome où elle affirme sa volonté de se tourner vers le futur et de se battre pour faire bouger les choses, on est pris par l'histoire, la fatalité des événements décrits nous retourne, nous révolte et nous bouleverse.

Les habitants de Fukushima qui hésitent entre rester sur leur terre natale et fuir pour éviter d'être contaminés par la radioactivité, les simples passants dans la rue pour qui la moindre goutte de pluie — porteuse de radioactivité — est synonyme d'une peur effroyable, les paysans traités de meurtrier alors qu'ils tentent simplement de vendre leur riz, les enfants à qui ont interdit de sortir et de jouer sur la terre... Le moindre détail du quotidien des habitants de Fukushima est bouleversé et prend une autre tournure depuis que s'en mêle le mot « radioactivité ».

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C'en est d'autant plus touchant que l'histoire est tirée de témoignages des victimes que l'auteur à elle-même rencontrées. Un manga qui fait réfléchir mais surtout qui est fait pour que les gens n'oublient pas ce que les victimes de l'accident ont vécu — et vivent encore aujourd'hui —, tout en laissant un message d'espoir. Une série en deux tomes qui se lit rapidement, qui ne laisse indifférent et qui, à mon avis, mérite d'être partagée et reconnue.

 

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